Culture

Quand la bande dessinée déconstruit l’idéal amoureux 💌

J’ai récemment redécouvert le plaisir de lire des bandes dessinées. Ces pages remplies de couleurs et de traits artistiques nous plongent dans les histoires de personnages attachants, aux parcours imparfaits. Les bandes dessinées qui racontent la vraie vie sont celles qui me parlent le plus. Ces morceaux de quotidien couchés sur papier et mis en dessin avec justesse. Les couleurs vibrantes et les ambiances intimistes m’attirent dès la couverture.

Alors j’ai décidé de passer en revue trois bandes dessinées qui dressent le portrait de femmes modernes traversant les turbulences de la vie sentimentale.

Se remettre d’une rupture, oser dire stop à une relation toxique, comprendre la pression sociale que représente l’injonction d’être en couple pour être heureux… Voilà les sujets abordés au sein de ces romans graphiques hauts en couleurs.

🌃 Idéal Standard d’Aude Picault

La première BD dont je souhaite parler se nomme Idéal standard est a été écrite par la talentueuse Aude Picault. L’histoire nous invite dans le quotidien de Claire, une infirmière trentenaire qui vit à Paris. Claire est une amoureuse de la vie, elle travaille au sein d’un service de néonatalogie où elle accompagne les bébés nés prématurés. Belle, intelligente et bien entourée elle a tout pour mener une vie épanouie. Seul ombre à son tableau : l’absence d’un homme à ses côtés. Happée par son travail, sa vie sentimentale se résume à des histoires sans lendemain qui semblent lui peser. Son tempérament de grande romantique la fait rêver d’un homme idéal avec lequel elle pourra construire quelque chose de solide. 

Son quotidien bascule lorsqu’elle fait la rencontre de Frank et décide très rapidement de s’installer avec lui. Ce parisien d’apparence banale, incarne aux yeux de Claire cet « idéal » qu’elle chérit tant.

« Claire incarne pour moi la Française standard : moderne, indépendante, informée, elle véhicule pourtant des stéréotypes qui la dépassent. Sans même s’en rendre compte, elle est impressionnée par de signes extérieurs de richesse, cherche le confort, est subjuguée par un homme qu’elle ne connaît pas, mais qui a du bagout, de l’aisance», souligne Aude Picault dans Télérama.

Au fil de la lecture, le caractère sexiste et oppressant de Frank se révèle. En tant que lecteurs on ne souhaite qu’une chose à Claire : fuir cet appartement où elle s’est si vite emprisonnée. Consciente du piège dans lequel elle se trouve, Claire décide de franchir le pas et de quitter Frank. Cette rupture semble la libérer et est vécue comme une prise de conscience pour elle. Les derniers dessins la représentent dans son nouveau studio parisien sous les toits, heureuse d’avoir son propre espace d’indépendance, loin de ses idéaux déçus.

Pour suivre Aude Picault sur Instagram c’est par ici

💫 Le silence des étoiles de Sanäa K 

Ce roman graphique est un bijou en termes d’illustrations. Les couleurs sont vibrantes et donnent vie à cette histoire qui dresse le portrait d’une jeunesse urbaine et branchée. Ici, l’auteure a décidé de partager une parenthèse de sa propre vie amoureuse. Elle évoque sa relation avec Ismaël et ses débuts idylliques.

L’ouvrage est en phase avec son temps car il met en avant les doutes que traversent les couples qui sont dans la vingtaine aujourd’hui. Ismaël a peur de s’engager mais au lieu d’exprimer clairement ses sentiments il cesse de donner de ses nouvelles jusqu’à complètement disparaître de la vie de Sänaa, sans aucune justification. Celle-ci réalise alors qu’elle s’est fait « ghoster » par celui qu’elle croyait être sincère.

Le fil rouge de l’histoire est la reconstruction de la dessinatrice après cette rupture inexpliquée. La tentation d’espionner Ismaël sur les réseaux sociaux ou les longs messages de colère envoyés dans le vide incarnent les problématiques que rencontrent les couples en 2020.

Le reproche que je pourrais faire à cette BD c’est qu’elle reste un peu trop en surface sur le sujet de la rupture. Les dialogues sont plutôt rapides à lire si bien qu’on se délecte avant tout de la beauté des images et leur symbolique.

La force de l’ouvrage est qu’il permet aux jeunes femmes de s’identifier à l’histoire car elle a recours à de nombreux symboles en phase avec les modes de vie actuels. Sanäa va chez Ikea pour réaménager son appartement, elle boit des boissons Starbucks et regarde Game of Thrones sous sa couette lorsqu’elle déprime.

La dessinatrice fait partie de ces générations qui se sont fait connaître sur les blogs et les réseaux sociaux avant même d’être éditée. Sur Instagram, elle compte presque 150 000 abonnés et sa communauté très active devient ambassadrice de son travail. Cette immersion dans son intimité donne aussi un message d’espoir à tous ceux qui traversent une épreuve similaire. Entourée de ses amis elle parvient à tourner la page avec le temps. Comme pour Standard idéal, c’est son installation dans son nouvel appartement qui symbolise le passage à une nouvelle vie plus indépendante et épanouie. 

Pour suivre Sanäa K sur Instagram c’est pas ici

🌠 « Tant pis pour l’amour ou comment j’ai survécu à un manipulateur » de Sophie Lambda

Il s’agit d’une œuvre déjà très explicite par son titre. J’ai fait le choix de terminer par celle-ci car c’est un roman graphique extrêmement complet qui apporte non seulement une histoire mais une analyse presque sociologique du caractère de ceux que l’on nomme les « manipulateurs ».

Comme l’ouvrage précédent, l’autrice Sophie Lambda, a pris le parti de raconter son propre vécu, celui de sa rencontre avec un acteur parisien qui l’emprisonne dans une relation à sens unique et malsaine. Rien ne laissait pourtant sous-entendre à la dessinatrice la nature réelle de cet homme aux allures bienveillantes.

La plus-value de la bande dessinée se trouve dans la profondeur du sujet et les recherches menées en parallèle par l’autrice. De nombreuses références sociologiques viennent appuyer son regard sur ces types de personnalités et permettent d’identifier plus facilement un individu toxique. Une riche bibliographie est par ailleurs proposée à la fin de la BD.

 Les textes sont très travaillés et les illustrations noires et blanches appuient avec justesse le propos. Son travail met vraiment des mots sur les relations toxiques et les illustre avec des situations concrètes : crises de jalousie, culpabilisation, reproches…  Sophie Lambda s’adresse directement à ses lecteurs et lectrices tout en précisant qu’une relation toxique n’a pas de genre. Le livre se termine par le violentomètre qui permet de sensibiliser aux violences subies au sein d’une relation.

Pour suivre Sophie Lambda sur Instagram c’est pas ici

Passionnée de médias, d'innovation et de digital je suis une grande curieuse qui aime s'inspirer au quotidien et partager ses découvertes.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *