Mon avis sur le livre “Miroir Miroir” de Louise Aubery (MyBetterSelf)
Louise Aubery fait partie des créatrice de contenu que l’on qualifie d’engagées sur les réseaux sociaux. Connue sous le pseudo MyBetterSelf, la jeune femme de 24 ans cumule 700 000 abonnés sur ses différentes plateformes et s’adresse à une communauté très largement composée de femmes. Après une prise de conscience personnelle sur le rapport au corps et à la féminité il y a quelques années, Louise a décidé de lancer le hashtag « on veut du vrai » qui prône l’acceptation de soi, sans artifices ou autres filtres Instagram. Depuis plusieurs années, elle a entrepris un chemin de déconstruction sur les différentes injonctions faites aux femmes. A travers sa marque de Lingerie « Je ne sais quoi » elle prône l’inclusivité tout en défendant une mode plus responsable. En parallèle sur son compte Instagram et sa chaîne YouTube, Louise partage des contenus au sujet de l’acceptation de soi, du développement personnel ou encore de l’entrepreneuriat.
Son autre format phare, est le podcast Inpower lancé pendant ses études à Sciences Po Paris, où elle interview des personnalités publiques qui ont « pris le pouvoir de leur vie ». Parmi les premiers interviewés de son podcast se trouve un certain Hugo Travers un camarade de promo de Sciences Po aujourd’hui à la tête du média HugoDecrypte.
Dans la continuité de sa ligne éditoriale féministe et progressiste, Louise a publié son premier essai intitulé « Miroir miroir dis-moi ce que je vaux vraiment ». Cet ouvrage d’environ 300 pages paru aux éditions Leduc résume la vision de l’autrice au sujet du patriarcat, du sexisme et de toutes les injonctions faites aux femmes ainsi que son processus de déconstruction de ces injonctions.
Dans cet épisode de podcast, je vous propose mon retour de lecture sur ce premier ouvrage de Louise Aubery. Quelques passages qui m’ont marqué ainsi que quelques éléments de contexte à avoir en tête en le lisant.
L’autrice part du postulat qu’elle se base sur des réalités sociétales qu’elle connaît. Louise décrit ce premier ouvrage comme étant un « essai accessible », en opposition avec les écrits parfois arides de sociologie et philosophie.
Dès son avant-propos, elle indique qu’elle ne parlera par exemple pas des oppressions raciales étant donné qu’elle ne maîtrise pas suffisamment le sujet. Louise est en effet une femme blanche, issue d’un milieu social parisien et élitiste. Un terme qu’on ne retrouve pas dans ses écrits. L’autrice mentionne à plusieurs reprise ses privilèges sociaux-économiques mais sans parler explicitement de classe sociale supérieure ou bourgeoise.
La structure du livre
« Mirroir Mirroir dis mois ce que je vaux vraiement » est un livre est découpé en 3 parties :
Déconstruire pour mieux construire (le masculin l’emporte/ les origines du patriarcat / inégalité entre les genres)
Déconstruire pour s’épanouir (beauté, couple, mariage, maternité, poids, viellesse, la responsabilité doit changer de camps, où s’arrête le féminisme ?)
Déconstruire pour s’accomplir (Se libérer du regard des autres, Les femmes au travail, La confiance en soi, L’amour de soi, Prendre le pouvoir de sa vie)
En regardant le sommaire on réalise que le spectre des sujets abordés est plutôt large et construit de manière assez académique. Comme lors des dissertations scolaires que l’on peut avoir à Sciences Po.
Je vous propose dans cet épisode de revenir sur les 3 parties de livres avec un résumé succin du propos et ce que j’ai aimé et moins aimé à propos de chaque partie.
Partie 1 : Déconstruire pour mieux construire
La première partie donc aborde les origines du patriarcat sous un prisme historique avec des référentes sourcées indiquée en notes à la fin de l’ouvrage. Une première partie théoriques riche en informations factuelles et qui permet d’apprendre un certain nombre de faits sur les inégalités entre les genres.
Les références d’œuvres féministes sont aussi fréquentes sous forme de citations. Mona Chollet, Virginia Wolf ou encore Virginie Despentes sont notamment mentionnées. Leur idées sont résumées de façon plutôt succinte et synthétique ce qui permet de rendre accessible certains ouvrages sociologiques sans pour autant les paraphraser. Une porte ouverte suggérée pour en apprendre davantage sur le sujet.
Le bémol que je pourrais émettre sur cette partie, ce serait que les sources pourraient à mon sens être plus explicites, notamment lorsqu’elle avance des chiffres sans dire de quelle années ils sont tirés ou sans citer la source directement. Il faut bien souvent se rendre à la toute fin du livre pour pouvoir se renseigner.
Une autre partie que j’ai trouvé un peu superficielle c’est lorsque Louise décrit la journée de Louis son « alter-égo masculin » pour démontrer les différences en termes de libertés qu’ont les hommes et les femmes. J’ai trouvé le propos un peu trop binaire et caricatural sur les bords et bien que je comprenne l’effet recherché je ne trouve pas ce passage indispensable.
Partie 2 : Déconstruire pour s’épanouir
La seconde partie vient aborder une variété de sujets qui touchent les femmes et les injonctions qui leurs sont faites (couple, mariage, vieillesse, poids). Cette partie permet de se déculpabiliser sur un certain nombre de sujets de société et de se sentir libre de faire ses propres choix.
Ces sous-parties sont rédigées sous le prisme des expériences vécues par Louise et ce qu’elle a « observé dans son entourage ». Probablement du fait de son absence d’expériences sur certains sujet, Louise passe assez vite sur certaines thématiques comme la maternité.
J’ai cependant apprécié les citations mises en exergue dans le livre qui donnent un coup de boost et nous rassurent.
Ce que je regrette un peu à la lecture de cette partie c’est l’absence de témoignages d’autres femmes. Cela aurait été intéressant de faire intervenir des membres sa communauté ou de son entourage par exemple pour venir compléter et donner du relief à certaines thématiques. Donner la parole au personnes concernées directement par ces sujets aurait été à mon sens plus concret.
Partie 3 : Déconstruire pour s’accomplir
La partie trois est davantage orientée développement personnel, confiance en soi et dépassement du regard des autres. Une partie qui se lis vite et qui adopte un ton moins académique, plus proche du témoignage direct de Louise.
J’ai apprécié son discours sur la peur du regard des autres et la confiance en soi. Bien qu’on sache déjà que la peur de l’échec et du jugement sont à l’origine de nos freins, c’est rassurant de l’avoir écrit noir sur blanc en quelques sortes.
Il n’y pas à dire Louise est vraiment douée par faire des pep talks motivants. Elle parvient parfaitement à faire passer des messages grâce au storytelling qui vise à inspirer les autres.
En revanche là où j’ai un peu tiqué c’est sur sa vision du « growth mindset ». Le fait que l’on puisse tous prendre le pouvoir de notre vie en adoptant un état d’esprit tourné vers l’évolution et la progression. Le fait que tout le monde puisse y arriver sans distinction d’âge ou de classe sociale s’inscrit dans un discours méritrocratique et néolibéral assez largement remis en cause aujourd’hui à l’ère post-covid.
Pourtant elle ne nie pas le fait que vouloir prendre le pouvoir de sa vie et se poser un tas de questions sur son épanouissement au travail est un privilège en soi.
Le fait d’avoir une vie choisie et non subie implique forcément une forme de capital économique et culturel et je trouve que ce sujet n’est pas du tout développé dans son propos. La mythologie de la « girl boss » à qui tout réussit grâce à son état d’esprit d’abondance a ses limites. Surtout lorsqu’on ne peut pas investir du temps et de l’argent à cette fin. Les personnes les plus précaires ont d’autres batailles à mener dans le quotidien pour pouvoir laisser la place à leur épanouissement.
En conclusion
Dans l’ensemble je trouve que le livre manque de cohérence au niveau du ton et de la sythaxe. On a parfois de l’écriture inclusive et parfois non. On alterne entre le vouvoiement et le tutoiement. Les anglicismes et autres phrases en anglais ne sont jamais traduites en bas de page ce qui créer un mélange des genres parfois étrange entre deux paragraphes.
Pour conclure je dirais que c’est un premier livre prometteur vu l’âge et l’expérience de l’autrice. Elle indique qu’elle a tenu à écrire l’intégralité de son ouvrage sans se faire aider au moment de la rédaction ce que je trouve très respectable. Le propos ne se veut pas (trop) égo-centré mais reste représentatif d’une vision du féminisme bourgeoise et élitiste ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi mais reste un discours déjà dominant dans la sphère médiatique.
Si vous vous voulez aller plus loin sur notamment le sujet du féminisme intersectionnel je vous recommande « Féminisme et pop culture » de Jennifer Padjemi.